Quelles modalités de participation des opérateurs privés aux services publics en Europe ? Le point de vue de E3PO

On observe une multitude de variantes dans les modalités de participation de l’opérateur privé à la fourniture du service public, sa supervision par la collectivité, ou même l’accès aux marchés. Ces différences d’un pays à l’autre sont le fruit de visions nationales propres de ce qui constitue une activité d’intérêt général, et de la manière dont elle devrait être mise en œuvre …

«  On observe une multitude de variantes dans les modalités de participation de l’opérateur privé à la fourniture du service public, sa supervision par la collectivité, ou même l’accès aux marchés. Ces différences d’un pays à l’autre sont le fruit de visions nationales propres de ce qui constitue une activité d’intérêt général, et de la manière dont elle devrait être mise en œuvre. Ce sont autant de particularismes historiques, politiques ou juridiques auxquels nos entreprises savent s’adapter sur le terrain ».

L’Union européenne s’est construite autour d’un marché commun et une ouverture progressive à la concurrence. Les services publics économiques n’ont pas échappé à ce mouvement. Les services publics économiques consacrés en droit de l’Union sous la notion de « Services économiques d’intérêt général » (SEIG) sont soumis aux règles européennes de concurrence, puisque ce sont des activités économiques, mais se voient toutefois accorder une place à part. Les Traités européens leur reconnaissent en effet un rôle particulier, laissent aux Etats membres le soin de définir le périmètre de leurs services publics et protègent la liberté des autorités publiques de choisir le mode de gestion qu’elles jugent le plus approprié.

Cette liberté explique la diversité des modèles de gestion, qu’ils soient publics ou privés, à travers l’Europe.  On observe ainsi une multitude de variantes dans les modalités de participation de l’opérateur privé à la fourniture du service public, sa supervision par la collectivité, ou même l’accès aux marchés.

Ces différences d’un pays à l’autre sont le fruit de visions nationales propres de ce qui constitue une activité d’intérêt général et de la manière dont elle devrait être mise en œuvre. Il s’agit d’autant de particularismes historiques, politiques ou juridiques auxquels nos entreprises savent s’adapter sur le terrain.

Tout d’abord, un service public économique dans un pays n’est pas nécessairement considéré comme tel dans un autre Etat. En effet, même si les différentes visions du « service public » sont fédérées au niveau européen sous la notion fonctionnelle de SEIG, il appartient aux Etats de déterminer si une activité est ou non un SEIG dans leur pays et donc les règles qui s’y appliquent.

Pour certains services, l’accès au marché peut tout simplement être fermé aux entreprises privées. C’est par exemple de cas pour les services d’eau potable et d’assainissement aux Pays-Bas, ou pour l’exploitation des réseaux de chaleur au Danemark, ou celle des incinérateurs municipaux en Suède.

La différence concerne aussi le degré de développement de services qui peuvent être quasi-inexistants dans certains pays mais prépondérants dans d’autres. Ainsi les réseaux de chaleur fournissent chauffage et eau chaude à 50 à 90% des ménages en Europe de l’Est et du Nord, contre moins de 10% en France, et encore moins en Belgique, en Italie, en Espagne.

L’interlocuteur public de l’opérateur privé varie également d’un pays à l’autre pour la fourniture d’un même service. En effet, l’organisation administrative et la supervision des services publics dans un pays est le produit d’un processus historique lié au développement de chaque Etat-Nation. Ainsi, le partage des responsabilités entre l’Etat et les collectivités territoriales pour un service public donné varie souvent, selon que l’Etat est unitaire comme la France, fédéral comme l’Allemagne ou régionalisé comme l’Italie.

De façon similaire, le particularisme national peut avoir un effet sur le mode de participation de l’entreprise privée à la gestion du service public.

Tandis qu’en France, le service public local semble marqué par une certaine binarité gestion directe/gestion déléguée, le service public local en Allemagne et en Autriche s’organise autour du modèle hégémonique de la Stadtwerk. La Stadtwerk est une société de droit privé qui prend en charge l’ensemble des services de la commune ou du groupement de communes (transports, réseau d’eau, réseau de chaleur, collecte et traitement des déchets, éclairage public, etc.).

Il arrive dans les villes les plus importantes que la Stadtwerk devienne une holding détenant des filiales gérant chacune un ensemble différent de services publics. Ce modèle va plus loin que la régie municipale française bien que de rares sociétés d’économie mixte (SEM) s’en rapprochent. Dans la majorité des cas, le capital de la Stadtwerk est détenu totalement par la commune, mais nombre de Stadtwerke comportent également une participation d’entreprises privées à leur capital, cette participation pouvant être purement financière (banques) ou s’accompagner d’un partenariat technique (opérateurs privés de services publics). Les Stadtwerke des grandes villes sont de puissants investisseurs et opérateurs de services publics locaux.

L’entreprise privée peut également se trouver dans la situation où c’est l’utilisateur final qui, individuellement, choisit l’opérateur privé qui lui fournira le service. On rencontre ce cas de figure dans le secteur de la collecte des déchets en Pologne : charge aux différentes entreprises prestataires chargées de mutualiser et d’optimiser l’organisation des tournées. Ainsi, un ménage, client isolé de l’opérateur A mais résidant dans un quartier principalement collecté par un opérateur B, verra ses déchets collectés par l’opérateur B.

Une telle organisation, qui existe également en Irlande, peut paraître étrange à ceux qui ne la connaissent pas. Pour autant les citoyens concernés s’y retrouvent car cela permet une meilleure concurrence prix/service/opérateur.

Ces situations variées exigent des opérateurs privés une capacité d’adaptation pour répondre aux besoins des citoyens dans leur contexte national ou local particulier. Cette adaptabilité est un élément clef de la réussite des entreprises privées, notamment françaises, sur le marché européen.

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E3PO ((European PPP Operating Companies in Infrastructure and Services) est une association européenne ayant pour membres des fédérations nationales, européennes, et internationales représentant des entreprises engagées dans des partenariats public-privé (PPP) tels que des contrats de concessions. Ces opérateurs privés sont actifs dans un vaste ensemble de secteurs comprenant notamment autoroutes, approvisionnement en eau et assainissement, traitement des déchets, services d’efficacité énergétique, transports publics et restauration collective. E3PO porte la voix de ses membres devant les institutions européennes en promouvant des partenariats public-privé de qualité, une concurrence équitable entre opérateurs publics et privés, la transparence des procédures de mise en concurrence et une législation claire dans l’intérêt des collectivités publiques, des entreprises, et des citoyens.

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