La mobilisation des entreprises pour les services essentiels de la collecte et du traitement des déchets

Entretien avec Muriel Olivier, Déléguée générale de la Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement …

Entretien avec Muriel Olivier, Déléguée générale de la Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement

Quels ont été les enjeux de continuité de service public pour la collecte des déchets pendant la crise sanitaire ?

Cette crise inédite a suscité de nombreuses questions et pour notre profession, les incertitudes, au début de la crise, concernaient surtout les enjeux de sécurité pour les agents. Rapidement, l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique a permis de clarifier la situation, assurant que les procédures habituelles de sécurité, avec le respect des gestes barrières et des règles de distanciation permettaient de poursuivre sans risques les activités de collecte.

La profession s’est organisée très tôt pour assurer la sécurité des personnels tout en maintenant la continuité de la majorité de ses activités en mode adapté : arrivée échelonnée des équipiers de collecte et des agents d’exploitation pour limiter le nombre d’agents présents simultanément dans les vestiaires, nettoyage et désinfection des équipements entre chaque équipe, rappel des gestes barrière et approvisionnement en gel hydroalcoolique.

Concernant les activités de collecte, les adaptations ont visé à limiter à deux personnes au maximum les personnels dans la cabine du camion de collecte afin de permettre la distanciation de sécurité. Selon les territoires, des dispositions ont été mises en œuvre en accord avec les collectivités territoriales en adaptant les fréquences de collecte voire en collectant simultanément collecte sélective et ordures ménagères, notamment en cas d’absentéisme. Certaines collectes ont été effectuées avec un seul ripeur et d’autres ont été maintenues avec deux ripeurs, mode majoritaire habituellement dans les grandes agglomérations. Dans ce cas, le 2ème équipier rejoint directement la tournée de collecte sans monter en cabine et la tournée est réalisée à vitesse réduite pour prévenir le risque de chute du marchepied.

Il y a donc eu une baisse de productivité pour partie compensée par une baisse des tonnages à collecter, de l’ordre de 20% en raison de l’absence de déchets des commerces et des restaurants, dits « assimilés aux déchets ménagers ».

Les activités de collecte et de traitement des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI), ont dû faire face à une hausse considérable des volumes de plus de 40%, due essentiellement aux équipements de protection individuelle des personnels soignants (masques, combinaisons jetables…). Les activités de collecte ont été exercées dans le respect strict des règles habituelles de la profession en s’appuyant sur l’expertise des personnels et sur des procédures éprouvées pour traiter ces déchets à risque, l’avis du Haut Comité de Santé Publique du 19 mars n’ayant pas fait de suggestion supplémentaire. Les entreprises de collecte et de traitement de ces déchets se sont mobilisées dès le début de la crise sanitaire pour assurer ce service essentiel dans la lutte contre l’épidémie. Les tournées de collecte ont été renforcées auprès des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Les usines de traitement ont fonctionné H24, en 3X8 et 7 jours sur 7.

Quel a été l’impact de la crise sur les activités moins visibles, comme le tri, le traitement ou la valorisation des déchets ?

 Des centres de tri ont été amenés à fermer au début de la crise, le temps que s’organisent la mise en place des mesures de distanciation et les procédures de respect des gestes barrières. Ils ont rapidement ouvert sur des modes adaptés et sécurisés : réduction du nombre de personnes par équipe pour éviter la disposition des personnes face à face, position en quinconce, équipement des salariés d’un masque antiprojection ou de visière ou mise en place d’un dispositif de protection type film plastique ou plexiglas entre les postes en face à face. Aujourd’hui la majorité des centres de tri fonctionnent. Il était important de pouvoir continuer à fournir en matières recyclées les industries qui en avaient besoin, je pense notamment aux approvisionnements des papeteries en carton ou papier recyclé pour les industries de l’agro-alimentaire et de la santé, qui avaient besoin d’emballages pour livrer leurs produits.

Concernant le traitement des boues de stations d’épuration urbaines ou industrielles, et suite aux avis de l’ANSES recommandant de limiter l’épandage aux seules boues hygiénisées, des solutions locales sont en cours de réflexion, afin d’orienter les boues qui peuvent être hygiénisées vers des STEP disposant d’un traitement hygiénisant, vers des unités de chaulage ou vers des plateformes de co-compostage, ou par l’usage d’unités mobiles d’hygiénisation. Pour les boues industrielles, des techniques spécifiques ont été retenues pour garantir l’absence d’aérosol (ou mise en suspension) lors de l’épandage.

En ce qui concerne le traitement des déchets, il y a eu une baisse d’activité de l’ordre de 10 à 15% sur l’incinération et jusqu’à 50% sur le stockage de déchets non dangereux due notamment à une baisse des déchets issus de l’activité économique. 

 Quel est l’impact de la crise sur les entreprises de la FNADE ?

 Toutes les entreprises du secteur ont clairement vu leur chiffre d’affaires diminuer. La réorganisation des services s’est faite dans l’urgence pour permettre d’assurer la continuité opérationnelle, la plupart du temps sans faire l’objet d’avenants avec les donneurs d’ordre publics. Il faut maintenant adapter les dispositions contractuelles au cas par cas. A l’avenir, il me semble important de mener une réflexion pour une meilleure prise en compte des situations de crise dans les clauses des marchés publics.

Quels sont les enjeux principaux de la sortie de crise ? A court terme et moyen terme ?

 La plupart des activités ne s’étaient pas arrêtées, seules les déchetteries publiques avaient fermées pendant le confinement, les particuliers n’étant plus en mesure d’y accéder. Cette fermeture a créé une certaine tension notamment sur les déchets verts, indispensables pour co-composer et hygiéniser les boues de stations d’épuration. A ce jour, la majorité des déchèteries ont repris en mode adapté, en limitant le nombre d’usagers accueillis simultanément sur la déchèterie. Les déchèteries privées, quant à elles, avaient déjà progressivement repris pour permettre un exutoire aux déchets du BTP.

Concernant l’évolution juridique et législative du secteur, on constate que les pouvoirs publics poursuivent les travaux entamés avant la crise, et les principales échéances des divers textes restent maintenues.

En conclusion je soulignerai que, tout au long de la crise, nous avons eu beaucoup d’échanges avec les parties prenantes (ministères, associations de collectivités locales…) sur les problématiques de terrain. Ces échanges ont été fructueux et ont permis au secteur de poursuivre sa mission de service public essentiel durant la crise en partageant les difficultés rencontrées sur le terrain par nos adhérents, en leur apportant des réponses et en anticipant la reprise des activités avec l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur.

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