Le point de vue de l’AMO- Emmanuel PELISSON, président de Finance Consult

« Tout ce qui va dans le sens d’une diminution de l’asymétrie d’information entre la personne publique et la personne privée, et donc à une compréhension partagée des enjeux, concourt à la réussite des contrats publics/privés »

Qui est Finance Consult et comment intervenez-vous auprès des collectivités publiques ?

Créée en 1981, Finance Consult est une société de conseil financier spécialisée dans les domaines des finances publiques. Notre premier métier est le conseil aux collectivités locales dans leurs stratégies financières, fiscales et budgétaires. Dans ce cadre, nous intervenons par exemple sur les sujets de transferts de compétences ou les modalités de gestion des services publics. Le second métier – notre métier d’origine – concerne les stratégies de financement des projets publics. Il s’agit d’accompagner les acteurs (publics ou privés) dans la mise en place des financements d’infrastructures publiques. Dans ce cadre, nous intervenons sur tous les contrats publics/privés : concessions, affermages, marchés de partenariat, mais aussi sur toutes les formes de contrats hybrides telles que les SEM, SEMOP, SPL… Nous intervenons principalement aux côtés de l’Etat et des personnes publiques en général, mais également auprès des consortiums (industriels, fonds d’investissement, banques) qui ont besoin d’un conseil financier pour répondre aux appels d’offre.

Finance Consult est aujourd’hui une des sociétés leaders dans les métiers du conseil financier sur ce segment d’activité.

Comment la situation financière des collectivités locales a-t-elle évolué au cours des dernières années ?

Les collectivités locales connaissent depuis plusieurs années une contrainte forte sur leurs finances. Il y a eu au fil des ans une baisse importante de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) qui représentait environ 25% de leurs recettes de fonctionnement au début des années 2010. Cette part s’est beaucoup réduite avec la baisse de 13 milliards de la DGF entre 2013 et 2017, une diminution qui a mis sous tension les finances des collectivités locales.

Néanmoins, si on observe les données au niveau macroéconomique, les recettes des collectivités locales ont globalement augmenté de 10 milliards d’euros sur la même période (moins que les dépenses de fonctionnement qui ont progressées de 8 milliards sur la même période). Ainsi, la baisse des dotations de l’Etat a été compensée par une augmentation de plus de 20 milliards d’euros des recettes fiscales. Il convient néanmoins de souligner que l’augmentation de la pression fiscale ne peut pas être envisagée comme un outil de compensation à long terme.

Sur la même période, on observe également que les investissements des collectivités locales ont connu une forte diminution, d’environ 8 milliards d’euros entre 2013 et 2017.

Ainsi, au final, les finances des collectivités territoriales sont dans l’ensemble plutôt saines. Leur capacité de désendettement moyenne est de l’ordre de 4 à 5 ans et leur encours de dette est de moins de 200 milliards d’euros soit moins de 10% de la dette publique totale, alors même que ces dernières réalisent 75% des investissements publics.

Si la baisse de la DGF n’a pas globalement dégradé les finances des collectivités locales, elle a eu en revanche deux conséquences malheureuses : d’une part, une diminution de l’effort d’investissement et d’autre part, une augmentation de la fiscalité locale.

Afin d’éviter ces deux effets pervers, le gouvernement a opté cette année pour une nouvelle méthode : en échange d’un maintien de la DGF à son niveau actuel, il est proposé aux collectivités (les plus grandes pour l’instant) de contractualiser et plafonner le taux d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement à une augmentation annuelle de 1,2%.  Ce taux correspond d’ailleurs à peu près à l’évolution des dépenses de fonctionnement du secteur public local au cours des années passées. Cette nouvelle contrainte, si elle nécessite de mettre en place des procédures d’économies dans les services, devrait permettre de préserver les capacités d’investissement et d’autofinancement du secteur public local.

Quelles sont les principales attentes des collectivités locales qui recourent au secteur privé pour la gestion de leurs services publics à travers des délégations de service public ?

Les collectivités locales disposent dans leur ensemble d’une réelle capacité d’investissement. L’externalisation financière des investissements n’est donc pas le seul critère d’arbitrage pour ces dernières. Lorsqu’elles recourent au secteur privé, à travers des contrats de concession par exemple, les personnes publiques sont à la recherche d’une alliance d’expertise technique et commerciale, de maitrise des coûts et de qualité des services publics.

Certes, le critère financier est partie intégrante de la réflexion sur les modes de gestion des services publics. Dans un contexte de budgets sous contraintes, les collectivités locales sont légitimement incitées à privilégier le financement sur leurs budgets propres des services publics non commerciaux, c’est-à-dire ne pouvant pas être financés par les usagers (routes, écoles éclairage public, etc.). Elles peuvent ainsi décider de faire porter par un opérateur privé les investissements dans les services financés par l’usager, afin d’alléger leur Programmation Pluriannuelle des Investissements (PPI).

Mais au-delà du critère financier, on observe que les collectivités sont surtout en recherche d’une expertise technique pour la construction des infrastructures et l’exploitation des services publics ainsi que d’une expertise commerciale afin optimiser la fréquentation du service.

Elles cherchent par ailleurs à sécuriser le coût global du service pour leurs budgets en transférant à l’opérateur privé le risque lié au coût des investissements, d’exploitation et le risque trafic, lié à la fréquentation du service.

Enfin, un critère important est la transparence financière. Le recours à un contrat de délégation de service public, si le contrat est bien rédigé, permet une transparence et une lisibilité financière accrue. Le recours à un opérateur externe, qui perçoit les recettes et supporte les charges, réalise des investissements et effectue un « reporting » de son activité permet souvent à la collectivité de disposer d’une bonne appréhension de la gestion financière du service, ce qui n’est paradoxalement pas toujours le cas lorsqu’elle exploite elle-même le service.

Quelles sont les clés pour optimiser l’efficacité des délégations de service public ?

Il convient tout d’abord de mettre en place une bonne procédure de recrutement de l’opérateur. On peut difficilement avoir une bonne délégation de service public avec un contrat médiocre.

Les collectivités publiques doivent se mettre en situation de bien maitriser leurs procédures, ce qui implique la plupart du temps de recourir à des experts financiers, juridiques et techniques pour la passation des contrats. Cette expertise est également appréciée par les opérateurs privés, qui trouvent dans ces experts un interlocuteur disposant d’une bonne compréhension de leurs problématiques et une bonne connaissance des contraintes d’exploitation d’un service public.

Le choix des conseils pour accompagner les collectivités publiques dans la passation de contrat de DSP est fondamental, car le travail de préparation du contrat, de définition des besoins et des objectifs de délais, de coûts et de niveau de service conditionnent in fine la qualité du service public qui sera proposé aux usagers.

Aussi, la collectivité doit s’attacher à faire le choix de l’offre la plus qualitative pour ces missions d’assistance et d’accompagnement.

Une fois le contrat passé, la personne publique doit se structurer en interne pour le suivi du contrat. Cela implique souvent de recruter des agents qui seront les interlocuteurs privilégiés de l’opérateur pendant toute la durée du contrat et qui assureront le suivi du contrat.

Côté concessionnaire, l’une des clés réside dans la mise en place d’outils de reporting de bonne qualité, c’est-à-dire d’indicateurs de suivi partagés avec la personne publique sur les investissements, la qualité, l’économie du contrat… Actuellement, on voit se développer à l’initiative des opérateurs des modèles opérationnels de suivi du contrat qui permettent de retracer année après année l’ensemble des critères sur l’économie des contrats.

De manière générale, tout ce qui va dans le sens d’une diminution de l’asymétrie d’information entre la personne publique et la personne privée, et à une compréhension partagée des enjeux, concourt à la réussite des contrats publics/privés.

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