Développer la culture de la performance dans les collectivités locales

Entretien avec Françoise LARPIN, Associée, Directrice Nationale KPMG Secteur public …

Entretien avec Françoise LARPIN, Associée, Directrice Nationale KPMG Secteur public

Face aux contraintes pesant sur leurs budgets depuis plusieurs années, comment se traduit la recherche d’optimisation et d’économies dans les collectivités locales?

Aujourd’hui, la recherche d’économies et d’optimisation est commune à l’ensemble des collectivités locales, quelle que soit leur taille. Ces démarches concernent beaucoup les fonctions supports (finances, RH, juridique, SI, …). Cela prend différentes formes, mise en place d’une véritable fonction achat avec le recrutement d’acheteurs, mise en place de groupements de commandes entre collectivités, recours aux marchés de l’Union des Groupements d’Achats Publics (UGAP).

On remarque également une volonté d’optimiser les recettes avec la recherche de nouveaux modes de financements (mécénat, financement participatif, fonds européens), ou l’évolution de la tarification des services publics (fin de la gratuité, valorisation du patrimoine, tarification différenciée pour les touristes…).

Certaines collectivités se posent la question de l’externalisation des services publics, à travers des marchés publics ou concessions de service public. C’est un sujet technique mais également très politique. Les élus locaux l’abordent de façon très différente selon qu’ils ont face à eux des contrepouvoirs puissants ou pas (poids des syndicats, freins culturels dans certains domaines comme la petite enfance, ..). Des initiatives sont apparues telles que le recours aux réseaux de crèches privées ou plus récemment par la constitution de Sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) qui permettent de recourir au secteur privé en conservant une gouvernance publique.

Comment la question de la performance est-elle abordée ?

Le sujet de la performance est appréhendé le plus souvent par la mise en œuvre de démarches de pilotage des politiques publiques avec le recours à des outils assez classiques : tableaux de bord, contrôle de gestion interne, contrôle de la bonne utilisation des deniers publics par les satellites (associations, SEM, SPL…) avec de plus en plus de conventionnent objectifs-moyens.

L’évaluation des politiques publiques se développe peu à peu, de même que la mesure de l’impact social des dispositifs mis en œuvre par les associations.  Celle-ci met l’accent sur les résultats obtenus (ex : le taux de personnes durablement réinsérées et les coûts évités pour la collectivité).

La recherche de performance consiste bien à rechercher le meilleur résultat au meilleur coût. Il faut veiller à ne pas avoir une approche strictement comptable, comme l’a fait l’Etat, au risque de constater une dégradation de la performance des politiques publiques concernées.

Lors du recours à des opérateurs extérieurs via une mise en concurrence, il existe toujours un risque que la recherche d’économies incite les élus à privilégier l’offre la « moins-disante », parfois même lorsque les services techniques ont préconisé le choix d’une offre proposant un meilleur-rapport qualité prix. Cette décision, qui n’est pas forcément rationnelle du point de vue du service,  relève néanmoins d’un choix politique, tout comme celui de proposer la gratuité aux usagers dans les transports par exemple, en faisant porter le déficit du service sur le budget de la collectivité.

Nous avons pour habitude de dire aux élus, dès lors qu’ils respectent la législation, que « le meilleur choix est celui qu’ils sont capables de porter politiquement et publiquement auprès de leurs administrés ».

Quels outils/démarches vous semblent indispensables à la recherche de performance dans les services publics locaux ?

La mise en place d’indicateurs quantitatifs mais aussi qualitatifs pour expliquer la performance des actions mises en œuvre pour déployer les politiques publiques est indispensable. Ils doivent permettre de mesurer le niveau d’activité, d’efficacité, d’efficience, d’économie, de qualité…

Ils concernent aussi bien les services opérationnels que les services fonctionnels. Leur analyse doit être accompagnée d’un véritable dialogue de gestion pour améliorer le rapport entre les moyens engagés, d’une part, et le service rendu, d’autre part.

Les contrats d’objectifs et de moyens sont de bons outils pour responsabiliser les services et les acculturer à la nécessité de faire face à la contrainte financière qui va croissante. Ils n’ont de sens que dès lors qu’il s’agit de contrats réellement négociés et non de démarche descendante sans possibilités d’échanges.

Les outils au service du pilotage sont nombreux et complémentaires notamment dans le domaine financier : prospective financière, plan pluriannuel d’investissement, observatoire de la fiscalité locale, évaluation de la santé financière des satellites…de même que dans le domaine des ressources humaines : GPEEC, outil de pilotage de la masse salariale, outil de suivi de l’absentéisme…

Le cycle de réformes territoriales a profondément fait évoluer les compétences des collectivités territoriales sans toutefois arriver à une réelle clarification. Des fusions (communes nouvelles, intercommunalités XXL ou grandes régions) sont mises en œuvre nécessitant de refonder le projet politique.  L’évaluation des politiques publiques dans ce contexte devient indispensable.  Les collectivités les plus avancées exploitent les méthodologies évaluatives pour passer en revue leurs politiques et procéder à la priorisation de leurs interventions. Dans certains cas, l’évaluation s’intègre pleinement dans des démarches de démocratie participative ou d’écoute citoyenne.

Qu’en est il des possibilités de comparaison avec d’autres services publics ou d’autres modalités de gestion ?

Pour améliorer et comparer leurs performances, les collectivités sont en recherche de benchmarks, à la fois pour les fonctions supports mais aussi pour les services à la population. Beaucoup de collectivités intègrent dans les cahiers des charges de leurs missions de conseil un volet benchmark avec des collectivités comparables.

Cependant, il peut être difficile de comparer des collectivités, même si elles sont de catégorie ou de taille comparables et ce, du fait de leurs domaines d’interventions qui peuvent être différents à l’issue des transferts de compétences générés par les différentes réformes territoriales. A titre d’exemple, il suffit de regarder de près le champ d’intervention des intercommunalités en matière de voirie pour constater que le contenu diffère (chemins ruraux, déneigement, éclairage public, …).

Par ailleurs, aucun observatoire ne fournit à ce jour le référentiel complet des coûts standards des principaux services publics , ce qui serait d’une très grande utilité. C’est une demande ancienne et récurrente des collectivités. Mais le sujet est très technique du fait de l’absence de comptabilité analytique dans la grande majorité des collectivités locales, du niveau de service rendu qui dépend de beaucoup de facteurs et  des modes de gestion différenciés qui compliquent les comparaisons. Le plus simple est souvent de raisonner par fourchettes de coûts en identifiant quelques collectivités présentant des caractéristiques communes, de sorte à susciter un approfondissement sur le contenu et le niveau du service rendu dès lors que le coût s’avère beaucoup plus élevé.

Il n’existe aucune obligation de comparer les différents modes de gestion des services publics locaux. Et le sujet n’est pas si simple car il faudrait à la fois disposer des offres fermes des opérateurs pour pouvoir arbitrer entre régie directe, délégation, contrat de partenariat .. et d’un chiffrage complet du coût de la gestion en régie, rendu difficile par l’absence de comptabilité analytique dans la majorité des collectivités locales.

Faire le choix du meilleur mode de gestion n’est pas aisé en l’absence d’éléments de comparaison. On peut supposer que les « gros » opérateurs privés, qui disposent de davantage d’ingénierie et de moyens ont un avantage comparatif, mais cette règle ne se vérifie pas toujours.

A noter également que la concurrence est quelquefois trop faible pour que le choix du mode de gestion soit une question pertinente, et que le prix qui est proposé puisse être comparé.

Quel que soit le mode de gestion choisi, il convient de bien appréhender en amont les impacts financiers, fiscaux et sociaux des choix envisagés.  La question de la reprise du passif et de l’actif financier se pose, de même que le régime en matière de TVA et d’impôts et taxes.  Le sujet de la reprise des personnels est un sujet très important du fait des statuts des agents qui peuvent être transférés au sein de l’opérateur privé ou restés à la charge de la collectivité, pesant ainsi sur son budget alors même que le service a été externalisé.

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