Audrey Schimberle, Directrice de la Communauté de Communes du Pays de Sainte Odile

« La philosophie d’une délégation de service public, c’est bien de laisser à l’opérateur privé la responsabilité de déployer les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de performance que la collectivité a fixé pour son service. »

Quel a été le contexte du renouvellement du marché pour le service de collecte et de traitement des déchets ménagers de la Communauté de communes du Pays de Sainte-Odile ?

La Communauté de Communes du Pays de Saint Odile est une collectivité située dans le Bas-Rhin. Elle compte 6 communes pour près de 18 000 habitants et 800 entreprises.

Historiquement, le service de collecte et traitement des déchets était géré en régie publique. Dans les années 2000, plusieurs problématiques nous ont conduit à changer de mode de gestion, notamment le poids des investissements directs importants à la charge de la collectivité, comme les renouvellements de camions. Nous avons donc mis en place des marchés de prestations de services avec quatre marchés allotis pour la collecte des déchets, l’exploitation des déchèteries, le tri et le transfert des déchets vers les unités de traitement.

En 2016, lorsque les marchés sont arrivés à échéance, nous nous sommes interrogés sur le mode de gestion le plus pertinent pour gérer notre service et faire face aux nouveaux enjeux, à savoir le passage d’une redevance classique  à une redevance incitative (comme prévu par la loi Grenelle 1 mise en place en 2014), ce qui impliquait un vrai bouleversement dans la conception du service. D’un modèle économique fondé sur une logique de volume (avec des services de gestion des déchets rémunérés aux volumes traités et une taxe à l’usager basée sur la valeur locative des habitations), on a élaboré un nouveau modèle économique basé sur une redevance incitative, avec dans la facture à l’usager, une partie variable proportionnelle aux levées de déchets non recyclables produits par le foyer.

Ce nouveau système imposait de traiter des enjeux croisés, de renforcer les synergies possibles entre les divers marchés préexistants. Par ailleurs, il s’agissait pour la collectivité de maintenir un service à coût identique tout en intégrant les contraintes réglementaires et les nouveaux objectifs liés à la loi de Transition énergétique. Enfin, le système avait besoin d’être professionnalisé, compte tenu de l’usage de technologies de pointe pour individualiser la facturation en fonction de l’usage du service.

Quel mode de gestion avez-vous choisi pour répondre à ce changement de paradigme dans votre service ?

Nous avons fait le choix d’une délégation de service public globale, allant de l’exécution du programme local de prévention à la valorisation et au traitement des déchets, en incluant la gestion de la redevance incitative.

Ainsi, c’est aujourd’hui notre opérateur, Veolia Propreté, qui gère ainsi la totalité de nos flux de déchets. La délégation de service public a permis de mettre en place un contrat de performance : l’objectif n’est plus de collecter des tonnages de déchets mais d’en produire moins, en agissant sur la prévention auprès des usagers, et de proposer de nouvelles solutions de production d’énergies renouvelables, de valorisation matière et des services innovants<em>. </em>C’est un vrai changement de paradigme qui a nécessité de faire évoluer nos outils contractuels pour les orienter vers des objectifs de performance.

La délégation de service public fait reposer le risque sur notre opérateur puisque c’est lui qui perçoit les recettes et supporte les charges. Ainsi, puisque nous ne souhaitons pas faire évoluer le montant des redevances, Veolia déploie des moyens importants pour agir auprès des usagers pour qu’ils produisent moins de déchets et recourent davantage au tri sélectif. Une ambassadrice du tri a ainsi été recrutée et de nombreuses campagnes de prévention sont menées auprès des usagers, des entreprises, dans les écoles…

La philosophie d’une délégation de service public, c’est bien de laisser à l’opérateur privé la responsabilité de déployer les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de performance que la collectivité a fixé pour son service.

Il se trouve que Communauté de Communes du Pays de Sainte-Odile a une longue tradition d’externalisation. Elle a mis en place des délégations de service public dans de nombreux services : piscines, eau, assainissement, traitement et collecte des déchets, transport public…. L’externalisation est un choix politique depuis les années 1980, qui n’a jamais été remis en cause par les élus depuis.

Les agents intercommunaux ont l’habitude d’élaborer, lancer et suivre les DSP. Notre métier est de veiller au respect des procédures, de les améliorer, de définir les objectifs du service, de mener une réflexion sur l’optimisation des performances et la qualité du service délivré.  A la charge de notre opérateur de déployer son expertise pour répondre à nos ambitions.

Que vous a apporté le recours au secteur privé dans la gestion de ce service public ?

Quand on rend un service direct à la population, on doit viser le risque zéro. Se faire accompagner par un expert, quel que soit le service que nous produisons, est un gage de fiabilité pour la collectivité, et permet un partage des responsabilités.

Dans les collectivités, tous les métiers se professionnalisent. On fait face à une inflation de normes et de règles de gestion, qui nécessitent une gestion professionnelle des risques. La culture de la prévention des risques est ancrée dans la culture des entreprises. Les opérateurs privés sont à la pointe sur les dispositifs de qualité, de mise aux normes, de certification.

Cette question de la gestion des risques doit encore progresser dans la fonction publique.

Le secteur de la collecte et du traitement des déchets est sans doute le  secteur dans lequel les métiers évoluent le plus rapidement.  Ils sont en constante mutation et supposent un fort degré d’innovation. Il est indispensable de pouvoir avoir un retour d’expérience sur ce qui se passe sur les autres territoires, en Europe et dans le monde.  La force d’un opérateur privé issu d’un grand groupe est de disposer de centres de R&D, d’une vision européenne voire mondiale des enjeux liés aux matières premières.

Grâce à notre opérateur, nous pouvons bénéficier de benchmarks et de dernières innovations technologiques disponibles sur le marché. La mise en place d’une redevance incitative implique de recourir à de nombreux outils intelligents. Toutes les poubelles sont équipées d’une puce, afin de pouvoir facturer une partie du service en fonction de l’usage ; l’accès aux déchetteries est badgé. Nous récoltons beaucoup de données qui nous permettent d’améliorer encore les performances du service.

Nous avions beaucoup d’idées sur la gestion de notre service, et sur le niveau de service que nous souhaitions obtenir, Veolia nous a amené son savoir-faire, son expertise et des outils pour faire de ce projet une réalisation exemplaire.

Notre collectivité a été une des pionnières dans ce domaine. Nous sommes aujourd’hui fortement sollicités par d’autres collectivités qui sont toutes confrontées au choix suivant : augmenter la redevance, ce qui est rarement une option acceptable, soit optimiser leur service et introduire davantage de recyclage.

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